TOUS CES MOMENTS GÊNANTS ... Part 1

"- Vas-y mais ferme ta putain de gueule !

- Toi ! Toi ferme ta gueule , connasse ! ( bruit de porte qui claque , bruit de pas , silence haineux , re-bruit de pas précipités , bruit de porte qui se ré-ouvre sauvagement ) ... Et au fait , compte pas sur moi pour me taper ta salope de copine et son bolosse de mec ce soir !

- Ah ouais ? Eh ben casse-toi !

- D'où casse-toi ? Rêve ! C'est chez moi ici ! ( silence pesant ) ..."

Apparemment , d'après la conversation un poil animée qui te parvient de l'appart de ta pote quand t'arrives sur son palier , c'est chaud-patate entre elle et son mec . Vaudrait mieux que tu rebrousses stratégiquement chemin et que tu rentres chez toi pour bouffer tranquillou les succulentes pâtisseries que tu tiens pataudement dans les mains , et tu te justifieras en direct du canap au moyen d'un sms d'excuse pourrave qui ne manquera pas de soulager tout le monde . Hélas , c'était sans compter sur l'entrain décomplexé de Choupinou qui te rejoint de sa démarche sautillante en sifflotant guillerettement dans les escaliers , et qui se jette franchement sur la sonnette avant que t'aies eu le temps de réagir ...

T'es au taf , c'est samedi , t'en chies et t'as les boules , quand soudain ton portable sonne . Normalement tu réponds pas , en plus t'aimerais vraiment finir , mais là c'est ta pote , y a joker , tu décroches en lui balançant néanmoins un très explicite : "Vas-y tu veux quoi ? Je bosse , j'ai pas le temps là !" Après une sympathique remarque acerbe sur ton statut de grosse pétasse active corporate , elle s'enquiert de savoir si tu comptes la rejoindre après pour diner chez un ami commun . La franchise étant depuis toujours le ciment de votre relation , tu lui rétorques , non sans une pointe d'agacement : "Nan mais c'est pour ça que tu me déranges ? T'es sérieuse ? ... Mais même pas en rêve je vais chez ce branleur ! J'te l'ai djà dit putain ! Il est trop con ce mec . En plus il est rat , chuis sûre qu'y aura rien à pillave ... Et ? Qu'est c'j'en ai à foutre que t'es avec lui et que tu sais pas quoi lui dire ? Ben dis lui ce que tu veux , je m'en tape ! ... Hein ? Comment ça il a entendu ? ... Et euh ..." Donc là tu baisses considérablement le ton , tu murmures , tu susurres pitoyablement même , non , en fait tu communiques par télépathie : "Combien de fois on s'était dit qu'on s'appellerait plus jamais en mode haut-parleur ?"

Il t'a invitée à diner chez lui ce soir , c'est votre premier vrai rencard , rien que tous les deux . T'es à la fois euphorique et archi stress , tu flippes que ça se passe mal , tu te rappelles même plus comment t'es sensée te comporter tellement ça fait longtemps que t'as rien pécho . Genre ça fait deux jours que tu tournes juste au jus de carottes et à la vitamine C pour pouvoir rentrer dans ta robe ( sauf sur la fin , une fois scindée dedans t'as enquillé toute la boîte de chokobons en te maquillant ) . Depuis ce matin t'as fumé 40 marlboros , imaginé 300 excuses et composé 200 fois son numéro pour annuler , mais là c'est trop tard , t'as frappé , t'entends ses pas derrière la porte : "Salut !"

Et c'est seulement quelques minutes après être entrée chez lui ( "Un verre ? Oui pourquoi pas ?" ) que le cauchemar commence , que tu te recroquevilles discrètement de douleur , ( "Ben je sais pas , comme toi ." ) , en jetant des regards éperdus autour de toi , en envoyant d'inefficaces supplications vers le ciel ( "Vodka ? Oui , merci ." ) , en grimaçant dès qu'il a le dos tourné , en transpirant tel un ravioli japonais , ( "Hein ? Si si ça va ." ) , jusqu'à ce que les crampes deviennent vraiment , ( "C'est sympa chez toi . Pas super grand mais lumineux ." ) vraiment trop fortes , ( "Tu nous mettrais pas un peu de musique ?" ) jusqu'à ce que tu ne puisses plus du tout maitriser la putain de chiasse qui t'assaille : "Et les toilettes , c'est par où ?"

Ben c'est là , juste là , à 1m du canapé en fait ...